J'ai assisté l'autre jour à un spectacle chinois détestable intitulé "Romance de la Dynastie Song". Certes, les artistes n'étaient pas mauvais, mais ce n'est pas parce qu'on sait faire le grand écart en équilibre sur une main avec un bol de riz dans l'autre qu'on peut se permettre de déformer l'histoire au point que toute une dynastie doit se retourner dans sa tombe chaque soir.
Je ne suis pas une spécialiste de la dynastie Song (960-1279 pour les curieux) mais certaines énormités historiques évidentes ont suffit à me désespérer. Je me rassure en me disant que mon manque certain d'humour m'a fait oublier que c'était du second degré. Espérons.

Toujours est-il que ce simulacre de reconstitution historique m'a aidé à réaliser ce que j'aimais tant dans la cérémonie chinoise du thé. U100_0906n passage du spectacle, qui avait lieu à Hangzhou, dans le Zhejiang, une province réputée pour son merveilleux thé vert Long Jing, traitait de la cueillette du thé de façon scandaleuse, et comme je m'ennuyais, tout cela a convergé vers une profonde réflexion sur le thé.

La "cérémonie" du thé a connu de nombreux changement à travers l'histoire : évolutions naturelles (nouvelles techniques, influences extérieures, découvertes en tous genre) ou forcées (impôt sur le thé, fermeture des maisons de thé pendant la Révolution culturelle...) et il m'est donc difficile de dire que c'est la fidélité à l'histoire que j'apprécie ; mais il y a quelque chose de tellement authentique, de tellement vrai, de tellement éloigné des choses surfaites et fausses (parce que rapides à consommer et bon marché) que l'on trouve de plus en plus souvent en Chine, que j'ai tout de suite ressenti une grande différence avec les activités "traditionnelles" auxquelles j'avais eu accès jusque là. Certes, il y a de mauvaises maisons de thé et des thés de mauvaises qualité, mais les amateurs de thé sont souvent si passionnés, si fidèles à ces rites, et à la fois si simples, que le thé, en Chine ne peut que paraitre magique. L'honnêteté totale dans la recherche de la tasse parfaite.

Le secret de la cérémonie du thé chinoise, c'est justement de ne pas faire de cérémonie. D'atteindre la perfection dans l'imperfection. Quand on énumère les objets utiles à la préparation des thés "kung fu" (qui caractérise les activités qui nécessitent du temps et des efforts pour être maitrisés (et entre autres, l'art martial du même nom)), on précise que l'éventail qui sert à attiser le feu du réchaud doit être cassé , selon la croyance ancestrale que "rien ne peut être parfait, à moins de comporter une toute petite imperfection" (je n'utilise pas de réchaud à charbon pour faire bouillir mon eau, personnellement, mais mon thé pas trop cher et mes mains tremblantes peuvent très bien faire office d'imperfection). Voilà une cérémonie fort tolérante et sans prétention, ce qu'on ne peut pas dire pour les cérémonies japonaises et coréennes, dont la rigidité frôle l'extrême.
Une cérémonie réussie, c'est celle qui réunit de bons amis (3 ou 4), une ambiance chaleureuse avec une conversation plaisante pour tous les participants, un thé parfait que chacun déguste avec plaisir, un cadre agréable. La tasse de thé parfaite, elle, n'est "presque" qu'un détail...