Demain – je vais aller – au cinéma – à vélo.
L’an prochain – je vais aller – en France – en avion.
Mercredi – je vais aller – à la maternité – en voiture.
- C'est quoi, « maternité » ? me demande Echo au cours de français.
- C'est l’hôpital où on accouche.
- « Accouche » ?
Mmm, je ne sais dire ça ni en chinois, ni en anglais. Une légère hésitation à mimer un accouchement au milieu du Centre culturel français. Mon élève est enceinte de quelques semaines et j’ai essayé de faire des exercices qui incluent du vocabulaire de circonstance, mais je me retrouve un peu piégée à mon propre jeu.
Je tente des synonymes, des explications.
« Ah ! L’opération, tu veux dire ? »
Heu, oui, si elle veut, l’opération. Moi qui rêve d’un accouchement à domicile non médicalisé, je n’avais pas vu ça comme ça.
Ça me rappelle une réflexion que je me suis faite à la piscine.
Mercredi, heure des enfants. J’ai fait des longueurs pendant une heure en zigzaguant entre de gros gamins plongeant et des mamans qui pataugeaient en les attendant.
A l’heure des douches, les mamans toutes nues se savonnent sans complexe. Un rapport au corps étonnant entre filles. Pas de pudeur. Presque pas assez. Le sauna, la salle commune pour se changer. Même le pipi accroupi au milieu des douches communes. Les dix femmes qui m’entourent et qui ont atteint l’âge de procréer ont une cicatrice verticale du nombril au pubis. Une césarienne ? Comment autant de femmes peuvent-elles avoir subi une césarienne ?
Discussion avec une collègue de bureau. Non, la césarienne ne fait pas peur. Au contraire. Ça fait forcément moins mal que d’accoucher pour de vrai. C'est comme la clim' et les anti-douleurs : puisque ça existe, pourquoi s’en passer ?
Un rapport au corps différent, vous dis-je.
Mais pas du tout celui que l’on imagine. Pas du tout une simple 'plus grande pudeur asiatique’. Juste un rapport différent. Peut-être plus de pudeur vis-à-vis des hommes, mais bien moins de pudeur entre filles. Mes décolletés les offusquent, leurs jupes-ceintures me choquent. Plus de tabous concernant le sexe, mais moins de peur de jouer avec son corps.
Xiu Xiu a 25 ans. Elle a avorté 4 fois, dont 3 fois cette année. Capable de parler de ça entre la poire et le riz cantonnais. Pas de traumatisme aussi flagrant que chez nous après ce type d’acte. Pas d’entourage présent. Une formalité, semble-t-il. Le truc bien pratique auquel il n’y a aucune alternative.
Puisque ça existe, pourquoi s’en passer ?