Finalement, les massages un jour sur deux, aussi douloureux soient-ils, on s’y fait bien. Je me sens un peu Audrey Tautou dans un long dimanche de fiançailles, ou comme une grosse dame qui ferait des traitements réguliers anti-cellulite. J’ai même mon masseur attitré (en plus du docteur, en deuxième partie de séance). Aujourd’hui, je l’ai appelé « mon pote » en pékinois, ce qui a déclenché l’hilarité générale. Si je ne venais pas de trouver un job, j’envisagerais clown d’hôpital.

Mais aujourd'hui, j’ai connu la traîtrise et l’infamie. Moi qui me croyais en territoire ami, j’arrive comme une fleur, discute le bout de gras, raconte que oui, j’ai toujours mal, oui oui, autant qu’avant. Et puis je m’installe dans la salle à rôtissoire en toute confiance. Je ne suis pas ravie d’aller me faire griller la couenne alors qu’il fait 35°C dehors, mais si c'est utile, je m’y plie volontiers. Mais la dame m’explique quelque chose, que je feins d’ignorer. Seulement voilà, grâce au très pertinent commentaire sur l’armoise de l’ami T, il se trouve que j’ai appris récemment à dire acupuncture et aiguille en chinois, et il m’a fallu me rendre à l’évidence de ce qu’ils proposaient : aux grands maux les grands remèdes. Vu la longueur du remède, ça doit être super grave ce que j’ai. On m’a bien montré qu’on sortait l’aiguille d’un sachet stérilisé et qu’elle était toute neuve, qu’on l’alcoolisait largement et que je ne risquais rien. Tu parles, Charles. Elle met le doigt là où j’ai le plus mal, se fait confirmer par mes cris que c'est vraiment là que j’ai le plus mal, et tel un joueur de fléchettes s’entraînant sur ma fesse gauche, me plante l’aiguille franco dans le nerf sciatique. Je croyais qu’on me l’avait arraché la dernière fois, mais visiblement non, il m’a bien rappelé qu’il allait jusqu’au pied et qu’il était quelqu'un d’assez sensible. Là, j’ai connu ce que veut dire « remuer le couteau dans la plaie ». Par de petits mouvements secs, la voilà qui bidouille et enfonce l’aiguille en la tournicotant. Heureusement que c'est allé vite, sinon j’aurais effectivement tenté la gifle comme il m’a été conseillé ici. Et là, comble du comble, profitant du fait que j’ai enfouis ma tête dans l’oreiller, la voilà qui craque une allumette. Le temps que ça monte à mon cerveau et que je me dise « chouette, j’ai droit à l’armoise, ça va sentir bon » je me rend compte qu’en fait elle enlève l’aiguille, et elle me pose une ventouse géante. La perfide ! Ça fait comme une énorme sangsue très douloureuse qui vous mord. Longtemps. Longtemps. Me voilà en train de me faire croquer le dos par une ampoule géante pendant 45 minutes. Elle passe régulièrement pour voir à quoi ça ressemble. Elle a l’air plutôt satisfaite.

Sans céder à la superstition, je dois avouer que ça donne quand même l’impression qu’on vous aspire le mal. Dans l’idée, c'est assez satisfaisant (mais plutôt douloureux). Mais voilà le félon revenant à la charge pour m’enlever cette bestiole. Aie ! Je pensais que ça soulagerait, mais on sent encore un moment le baiser du dragon. Niveau esthétique, j’y connais pas grand-chose, mais à mon avis, les bubons de la peste doivent pas être loin de ce que j’ai dans le dos. C'est pas aujourd’hui que je vais me trouver un amoureux.

Et puis malgré tout ça, j’ai quand même droit à mon masseur, et j'ai quand même eu droit au docteur. En y réfléchissant bien, je vais peut-être pas tenter la gifle sur lui, parce que j’ai remarqué que ses avant-bras faisaient la taille de mes cuisses. Ca dissuade.

Enfin, aujourd'hui, en le voyant appuyer le plus fort possible partout où j’ai vraiment très très mal, j’ai pensé : "c'est ça, l’acharnement thérapeutique".