Je ne m'étais encore jamais faite tabasser par mon médecin. A la limite, par un allopathe, j'aurais pu imaginer des méthode barbares, mais chez un médecin traditionnel chinois, j'avoue que ça ne m'avait pas traversé l'esprit.
Le docteur Ho, à Lijiang, il vous regarde la langue, prend votre pouls, vous demande si vous transpirez beaucoup et si vous avez bon appétit, et il en conclue qu'il faut boire 3 fois par jour une infusion de plantes qu'il vous prépare illico. Vous n'arrivez jamais à la prendre régulièrement, vous oubliez, vous abandonnez, mais vous êtes super content d'avoir vu le docteur Ho. Même si vous êtes toujours malade.
Dans la clinique du docteur Sun, on m'a faite asseoir sur un tabouret au milieu de la pièce, les coudes posés sur les genoux.
"Vous avez mal où, dans le dos?"
"Là".
Il appuie partout où je lui ai indiqué que j'avais mal, et puis il donne des coups de poing. Ça surprend, au début. Il fait un petit cercle au stylo bille en bas de mon dos, et m'explique que j'ai une vertèbre déplacée. C'est quand même curieux de donner des coups de poing dans le dos de
quelqu'un qui a une vertèbre déplacée, moi j'aurais pas osé.
Je fais un rapide calcul dans ma tête des sommes astronomiques dépensées en ostéopathie en France. Comment à ce prix là tous ces médecins n'ont pas remarqué que j'avais une vertèbre déplacée? J'ai dû mal comprendre.
On me fait passer dans une salle à coté. Quatre tables de soin alignées. Une dame allongée sur le ventre, le chandail remonté sur les épaules, a le dos qui chauffe sous une lampe. A coté d'elle, une vieille dame est allongée sur le dos avec des aiguilles dans les bras et la tête. Je repense à ce que disait mon ancien colocataire, étudiant en médecine chinoise, quand il faisait son stage en clinique : l'hygiène, les aiguilles réutilisables... Moi qui suis une inconditionnelle de l'acupuncture en France, j'ai un peu les jambes hésitantes, là. Une autre dame arrive, on lui pose aussi des aiguilles pendant que je m'installe. Je n'avais jamais vu des aiguilles de cette taille. C'est du tricot, plus de la couture. Et la voilà qui se prend 3 cm d'aiguille dans le pied. Elle crie. Si mon mal de dos n'était pas insupportable, je partirais en courant. Finalement, on m'installe sur le ventre, le t-shirt relevé, et j'ai droit à la lampe chauffante. Sauvée.
Pendant que je grille comme un poulet à la broche, mes voisines empalées se font parfumer à l'armoise. Sur chaque aiguille, un petit morceau d'armoise allumée. Ça fait une drôle d'odeur dans la pièce. Ma voisine de lampe chauffante se fait poser des ventouses. De grosses ampoules en verre à l'ancienne, que l'on allume avant de les poser. Je crois que je préférerais les aiguilles.
Mais finalement non, la vertèbre déplacée ne se règle ni par ventouse, ni par aiguille. Quand on a estimé que j'étais bien rôtie, j'ai eu droit au massage. Chouette.
J'en attendais beaucoup de la sensibilité du masseur pour comprendre mes douleurs. Niveau vocabulaire médical, je suis assez limitée. Ça donnait donc une patiente muette, avec un masseur aveugle. On est pas sortis de l'auberge. Expérience curieuse entre pudeur extrême et sensualité. Pour lui montrer où j'ai mal, je dois prendre sa main et la guider sur mon dos. Quand il change de coté et fait le tour de la table, il me tient la main pour ne pas se cogner. Et quand je fais des grimaces parce que ça fait mal, il ne remarque même pas. Par contre, il est assez réactif aux cris de souris que j'émets.
1h15 de massage, c'était assez sportif, mais plutôt agréable. Je ne suis pas convaincue d'être guérie, mais c'était pas un trop mauvais moment à passer.
Je croyais que c'était fini, mais le docteur me rappelle en consultation. Il regarde mon dos à nouveau, deuxième fournée de coups de poings. Il me fait retourner sur la table de massage d'un air insatisfait. Chouette, j'ai droit à un deuxième round, et avec le grand chef en plus (lui n'est pas aveugle comme ses masseurs). Il attrape mes mains et les pose sur le bord de la table. "Accrochez vous, ça va faire mal".
Là, débute un quart d'heure de tortures médiévales, type ablation du coccyx à mains nues, tentative de faire se rejoindre les reins et la nuque, et autres j'appuie-le-plus-fort-possible-là-où-ça-fait-mal. Tout ça en public, à coté de 4 personnes qui subissaient des choses dans le même genre. Sauf que moi, personne n'a compris toutes les insultes que j'ai proférées.
Je ne peux pas encore conclure que cette séance m'a guérie, pour l'instant, j'ai juste l'impression d'avoir été rouée de coups et jetée dans un fossé. La seule chose dont je suis sûre, c'est qu'il faut que j'y retourne demain.