Je suis sure que c'est le mot qu'aurait utilisé mon père pour parler de mon vélo. Peut-être que j'ai pris de mauvaises habitudes avec la vie de famille bricoleuse : ne jamais avoir de toilettes ou de robinets qui fuient, une voiture toujours vidangée, un vélo aux pneus toujours gonflés, des portes qui ne grincent pas.

Oui, mais là, en Chine, je pense que les objets y sont quand même pour quelque chose.

J'ai acheté mon vélo assez cher, ma foi, désireuse de lutter contre le vol et le trafic de bicyclettes de seconde main (dont j'ai déjà été victime) en investissant dans une petite reine toute neuve. Sachant que les jours où je ne mange pas dehors et que je n'ai pas de rendez vous de travail, je l'enfourche au moins 1h30, les autres jours parfois le double, j'avais fondé beaucoup d'espoir sur ses performances.

Mon vélo s'appelle Jiubiao (c'est marqué dessus), il est rouge tirant sur le bordeaux. Il est relativement beau, comme ça, mais quand on monte dessus, c'est une autre histoire.

D'abord, il y a le bruit. Un mélange de garde boue branlant, de pédales grinçantes, de roue qui vibre. Et puis il y a les freins, que je fais resserrer 2 fois par semaine (le frein arrière est un frein à disque) et qui restent pour autant totalement inutiles. J'ai adapté ma conduite et j'ai appris à crier « pas de sonnette, pas de frein! » en chinois. Mais quand même.

Et puis il y a eu la pédale, qui s'est cassée au milieu du 3ème périphérique, embarquant ma chaussure au passage. Très classe le cloche pied au milieu du trafic. Pour apprendre chez le réparateur que l'ensemble du pédalier droit était cassé. Ça m'aura toujours permis de gagner un catadioptre en changeant une vieille pédale contre une neuve. Mais quand même.

Et puis l'autre jour, il y a eu la roue. Bon, ça c'est peut être ma faute, je suis montée sur le porte bagage avec Trouni au guidon, mettant en évidence la platitude du pneu arrière. Le réparateur a mis en évidence un trou, qu'il a rustiné, puis un deuxième, puis un... donc là, j'ai carrément changé de chambre à air. Et par un procédé marketing bluffant, je me suis retrouvée avec une nouvelle roue aussi. Il a du lire sur mon visage qu'à ce moment là, il aurait pu me vendre un char à boeufs sans que je pose de question.

Mais moi, ma vieille roue, je l'aimais bien! Elle allait parfaitement avec mon vélo (au moins une chose) et elle était bien réglée. La nouvelle, elle me donne l'impression d'avoir fait rétrécir ma chaîne et d'être toujours sur le mauvais pignon. Conséquence, même sur le plat, j'ai l'impression de postuler pour le maillot de meilleur grimpeur. Il y a de la cuisse en perspective.

Au final, la seule chose formidable sur mon vélo, c'est la sonnette. Une belle sonnette rouge que j'ai fait rajouter, qui n'avait pas rouillé comme tout le reste la dernière fois qu'il a plu et qui dégage un son allant du cristallin « attention piéton » au « espèce de µ$^pM;//! t'as falli m'écraser ».

Dommage qu'on me l'ai volée la semaine dernière.