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Tribulations au Royaume de Cathay
11 mai 2008

Appuyez-vous sur les principes...

Je hais les Erasmus. Ils boivent, ils se moquent de leur pays d’accueil du haut de leur incroyable intégration internationale. Ils voyagent en groupes bruyants ne parlant qu’anglais. Et de retour chez eux, ils s’aperçoivent avec un pincement au cœur qu’ils n’ont même pas vu la tour de Pise ou qu’ils ne savent pas dire merci en catalan.

Moi, du haut de mes principes, forteresse inattaquable, je ne sors qu’avec des Chinois. Je fuis l’Erasmus comme la peste. L’étudiante américaine ou pire, le VIE français. C'est comme un engrenage dans lequel on se laisserait broyer après y avoir mis le doigt. Moi, grâce à mes principes, je n’ai que des hobbies chinois. Moi, grâce à mes principes, je ne sors qu’avec des Chinois. Et quand il n’y a pas de Chinois ? Eh bien, je reste cloîtrée chez moi. Les visites solitaires de monuments typiques, ça va un moment, mais ensuite, la solitude prend le pas sur la visite. Avec une force de caractère comme la mienne, on peut le faire, non ?

Hein ?

Ok, peut être que je peux m’autoriser une sortie. C'était vraiment parce que j’étais désespérée. Je ne me l’avoue même pas. Me retrouver à table avec 3 Italiens, un Français, une Malaisienne, 2 Américains, 3 Chinois, un Espagnol, une Japonaise et une Coréenne, j’avais presque honte. Intéressant ? Heu… je n’y avait même pas pensé. De toute façon, je suis en Chine, je n’avais pas le droit. Si, on a mangé un canard laqué, et c'est un Chinois qui a commandé. Ça rattrape le coup. Mais quand même. Après on a bu un café; ça, c'est pas chinois.

Ah, oui oui, je me suis amusée, j’ai même passé une excellente journée. Jamais aussi longtemps et aussi bien parlé anglais. Ça non plus, j’avais pas le droit. Si c'est pour parler anglais, à quoi bon être en Chine, hein ? Oui, oui, bien sur que j’ai adoré. J’ai même eu des compliments sur mon accent et je comprenais tout ce que racontait cette super Américaine. Oui, manque de bol, c'était que des gens supers. Du coup, je risque de les revoir. J’ai même dû créer un profil Facebook, que je fuyais depuis des mois, pour intégrer tous mes nouveaux amis.

Une partie de moi n’arrive pas à se départir de l’idée que la Chine se mérite, que l’intégration totale implique une immersion totale, que mon niveau de Chinois est l’indicateur parfait de mon ouverture d’esprit et qu’il y a donc fort à faire pour m’éloigner de la clairvoyance des huîtres.

Il faut que je contrôle et que je maîtrise, que je travaille et que je m'intègre. Pas comme tous ces gens qui... oui, effectivement, ils parlaient tous mieux chinois que moi.

Je ne veux pas consommer la Chine, je veux la savourer, je veux en être digne. Elle le mérite. Mais peut-être qu’un soupçon de plaisir et de détente ne nuirait finalement pas tant que ça à mon ouverture d’esprit.

« Appuyez-vous sur les principes, ils finiront bien par céder. »

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Commentaires
T
Est ce là une soif, en toi, de te connaitre mieux, de te découvrir un peu hors repères (et repaires), <br /> hors témoins (oui, il y a ce blog, mais il a sa petite dimension transcendée...); la liberté gagnée par soi-même de déporter son regard, de le "neutraliser" (chimiquement), d'accepter l'inconfort du dépaysement (au sens fort et double)...peut-être que quelque chose en toi aspire à cette nudité de contact, peut-être que ce n'est pas QUE "psycho-rigide", peut-être que cet état d'esprit nécéssite cette rigidité de tuyau, pour que le vide à l'intérieur reste disponible en effet...?<br /> Un besoin de mener son petit chemin singulier, quelque chose comme une juste exigence, un rapport à soi honnête...Il semblerait, de toute façon, que ces "principes" soient plus souples que tu ne le crains, et que tu sois douée pour suivre un minimum le courant...<br /> Les "coups de pied au cul" sont peut-être ce dont tu as le moins besoin!<br /> (d'ailleurs, ça fait les pieds rouges et bandés!...)
S
Oh que si!<br /> Nos meilleurs ambassadrices, ce sont nos filles! Et de très loin! Et le fait qu'elles aillent à l'école hongroise a été pris comme une volonté délibérée de devenir hongrois. Ca aide. Ca fait tout, même. <br /> De plus, ils ont du mal à comprendre qu'on puisse quitter un pays comme la France, et pour la Hongrie en plus! Nous étoffons petit à petit notre vocabulaire et réussissons à expliquer que nous n'étions pas bien en France, alors qu'ici, nous respirons...<br /> Je ne me suis jamais rendue seule, finalement dans un pays. Toujours avec des collègues, ou mon mari...<br /> Nous avons toujours eu la ressource de nous parler entre nous. Mon mari a vécu aux Etats-Unis seul, par contre, et a décrit ces moments de creux, lui aussi.Il a même failli partir un jour...<br /> Pour la vraie immersion, vraiment, chapeau bas! En plus, en Chine, c'est vraiment un autre monde!<br /> Nous devons aller en Inde l'an prochain pour le mariage d'une ancienne élève de Los Angeles de mon mari ( son papa était devenu le meilleur ami, un père, un frère pour lui ), et j'avoue que je suis enthousiaste d'aller dans ce pays, et qu'en même temps, j'ai une bête trouille de la foule... Alors toute seule...
M
Est ce que le fait d'être en famille ne facilite pas la tâche, Strychnine? J'avoue que pour les voyages où mon amoureux m'a accompagnée, j'étais beaucoup plus sereine face à cette question de l'intégration. L'immersion à 2, ça faisait moins peur ;)<br /> Ne fréquenter que des Chinois, avec la barrière de la langue, ça a aussi pour inconvénient de cantonner (lol) à des conversations assez superficielles. Et dans les moments de creux, c'est assez difficile à vivre...
S
C'est amusant, un ex-français de Chine posait la question récemment ( Guangzhou Laowai ) sur son blog : fréquentez-vous les Français de l'étranger?<br /> Nous, c'est non. Il n'y a rien de mieux que l'intégration, l'immersion...avec un détour de temps en temps à la bibliothèque française... On n'est pas des bêtes, non plus!<br /> Bon , quand on trouve une bouteille de cidre, ou un paquet de palets bretons, on craque aussi...<br /> Plus difficile à trouver en Chine j'imagine...
M
Oh! te savoir amateur de Kundera te fait presque pardonner d'avoir un jour porté une chemise vert pastel.<br /> Ravie de savoir que tu as cédé à la démangeaison de laisser un commentaire sur ce blog! <br /> Je crois que la question de la façon de mener ma vie ici est totalement régie par la terrifiante rigidité de ma personne :)<br /> J'ai assisté à un dîner hier (fort bon mais fort fort cher, ma foi) avec des gens qui vantaient le développement culturel de Pékin. Les nouveaux concerts, les expos d'artistes internationaux, la musique, la littérature et l'art du monde entier qui se réunissent dans cette ville de plus en plus cosmopolite. Et je me suis rendue compte que c'est exactement ce que je ne fréquente pas. Et quand je dis que je fuis, je crois que c'est plutôt "je ne m'autorise pas". Et comme mon salaire ne m'y autorise pas non plus, ça m'arrange un peu. <br /> Mais t'as vu, je me soigne, j'ai même bu un verre avec toi et habité chez MengDa, et j'arrive quand même à dormir la nuit.<br /> Bref, sous prétexte de Chine, je m'écarte de tout ce que j'aime habituellement, et bêtement, puisque je ne passe pas plus de temps pour autant à faire du "typiquement chinois". Ça parait anodin, comme ça, mais je vous assure que c'est grave.
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