J’ai fait un dabao* avec les restes de mon repas solitaire du midi.  Un repas végétarien pour tester mes convictions.  La serveuse a vidé le contenu du plat dans la barquette en plastique à l’aide des baguettes jetables en bois (d’arbre !) que j’avais moi-même sorties de leur étui en plastique. Elle a ensuite mis la boite à dabao dans un sac en plastique jetable, puisque la sauce dégoulinait et que mon sac pliable (copyright Zaza) n’y aurait pas survécu. Là, j’ai commencé à culpabiliser. Ça faisait bea100_2864ucoup pour un seul repas. J’entamais deux semaines de repas solitaires, ce qui signifiait 14 dabao comportant deux boites chacun, soit 28 boites en plastique jetable et le sac ad hoc.

Repas suivant, restes fini, dabao dans les mains. C'est décidé, je lave. Rien de pire à laver qu’une boite à dabao, grasse, tellement grasse que le plastique semble recracher de l’huile à chaque coup d’éponge. Je suis sure qu’il le fait exprès. Eponge synthétique et produit vaisselle biodégradable à 4% arrivent vaguement, malgré le peu d’eau que je leur accorde, à bout de tout ce gras. Pour peaufiner, je laisse tremper la nuit.

L’Ayi** est passée un jour plus tôt que prévu. Elle a vu une boite à dabao (qu’à ce stade de propreté, j’aurais qualifié de Tupperware, voire de bento) tremper dans l’évier : elle a tout mis à la poubelle.

C'est ma schizophrénie chinoise. Le choc violent de principes de vie calculés avec la réalité du terrain. Un an à traquer les étiquettes des vêtements et des chaussures, acheter européen et non chinois (bien plus efficace à mon avis que trois drapeaux sous la tour Effel pour faire flancher une économie qui nie les Droits de l’Homme). Etre infiniment reconnaissante à Amélie pour m’avoir offert mon premier Fées de Bengale. Réduire au maximum ma consommation de matériel informatique. Boycotter Apple. Trimbaler partout un thermos pour fuir l’eau en bouteille. Manger bio, faire des lessives aux noix de lavage et aux balles d’essorage. Et me flagellant un peu de faire si peu.

Et me voilà, explosant mon empreinte écologique à coup de vol Lufthansa et devenant malgré moi un acteur du dramatique développement chinois. Perdue sur les produits locaux et de saison (ici, un produit du pays peut avoir fait 3000 km sans passer une frontière) cultivés à grand renfort de pesticides, obligée de boire de l’eau en bouteille pour avoir du potable, acceptant PC portable et Ipod en cadeau, comme un symbole de mon incohérence.

Vais-je survivre à l’été pékinois sans mettre la clim ?

*doggy bag

** Femme de ménage